Rapport IGAS: bientôt une autorité et le statut de profession de santé ?

Référence et lien court: OP-URQ18Y-5

 Au-delà de ces propositions, la mission a souhaité explorer d’autres pistes, plus innovantes, d’évolution du dispositif de formation et du mécanisme d’autorisation d’installation des ostéopathes et de chiropracteurs.

Elle a d’emblée écarté le scénario d’une dérèglementation de ces professions qui irait à l’inverse de la tendance internationale et ne pourrait qu’être défavorable aux usagers. Elle n’a pas retenu la piste d’une limitation de la pratique de l’ostéopathie aux seuls professionnels de santé.

Dans cet article, nous mettrons en évidence trois propositions majeures formulées par l’IGAS au ministère, qui requièrent une attention particulière de la part des ostéopathes:

  • le statut de professionnel·le de santé au titre d’auxiliaire paramédical;
  • une structure de gouvernance de la profession d’ostéopathe;
  • une commission nationale chargée de décrire et d’évaluer les pratiques des ostéopathes.

L’auteur de cet article écrit à titre personnel.

Cet article fait suite à deux autres articles, le premier abordant le constat détaillé de la situation tel que rapporté par l’IGAS, le second synthétisant l’ensemble des 26 recommandations formulées.

L’IGAS constate que l’ostéopathie est devenue la médecine complémentaire la plus répandue en France, faisant partie intégrante des habitudes de la population. Les ostéopathes sont des professionnel·le·s à accès direct, c’est-à-dire qu’une prescription médicale n’est pas nécessaire pour les consulter. Cette accessibilité facilite la prise de rendez-vous pour les patient·e·s et contribue à la diffusion de la pratique.

Aujourd’hui, la place des ostéopathes dans le système de santé constitue un enjeu majeur de santé publique, en particulier dans le contexte actuel de restructuration de l’offre de soins. Bien que l’ostéopathie soit encadrée par des référentiels de compétences, l’IGAS met en garde contre les dangers potentiels d’une activité non contrôlée dans le système de santé, d’autant plus que le champ d’exercice des ostéopathes semble s’élargir avec le temps.

En effet, selon l’IGAS, les patient·e·s résidant dans des déserts médicaux ont de plus en plus recours aux ostéopathes en l’absence de médecins ou de masseurs-kinésithérapeutes. De plus, la coexistence de professionnel·le·s de santé et de non-professionnel·le·s de santé utilisant le titre d’ostéopathe peut contribuer à la confusion des patient·e·s quant aux qualifications du ou de la professionnel·le qu’ils ou qu’elles consultent.

Bien que les actes d’ostéopathie ne soient pas remboursés par l’assurance maladie, de nombreux organismes complémentaires d’assurance maladie (mutuelles) remboursent les consultations des patient·e·s, le plus souvent sous forme de forfait.

Pour l’IGAS, les lacunes croissantes en professionnel·le·s de santé combinées à une démographie en expansion des ostéopathes font craindre l’émergence de pratiques déviantes qui devront être endiguées.

En 2002, le législateur a fait le choix de ne pas attribuer un statut de professionnel de santé aux ostéopathes et aux chiropracteurs, en organisant un cadre moins exigeant pour les écoles de formation en ostéopathie et en chiropraxie et pour l’exercice de ces professionnels, qui ne permet pas de garantir la qualité des diplômes et, in fine, la sécurité des usagers.

« Une place qui mérite d’être précisée afin de garantir la sécurité des usagers »

En France, l’ostéopathie est une pratique, très appréciée par la population, qui s’est démocratisée. L’ostéopathie est la médecine complémentaire la plus populaire en France. Trois français sur cinq ont déjà consulté un ostéopathe. La grande majorité des patients (78 %) découvrent l’ostéopathie par le « bouche à oreille » et le motif de consultation dans plus de sept cas sur dix (72 %) est la douleur articulaire ou musculaire.

L’intérêt croissant suscite la nécessité pressante de définir avec précision la position de ces pratiques.

Cependant, l’IGAS constate l’absence de définitions précises, ce qui entraîne une terminologie variable pour désigner l’ostéopathie selon les praticien·ne·s, les organisations ou les institutions.

Plusieurs termes sont utilisés pour décrire la pratique de l’ostéopathie, tels que :

  • médecines intégratives;
  • médecines alternatives ou complémentaires;
  • thérapies complémentaires ou non conventionnelles
  • soins de support

De plus, l’IGAS constate que la Haute Autorité de Santé (HAS) n’a pas émis de recommandations générales ni de bonnes pratiques concernant l’ostéopathie, malgré l’article 75 de la loi de 2002 qui lui attribue cette mission.

Selon l’inspection, le manque de publications reposant sur des preuves scientifiques solides constitue actuellement un obstacle à la définition de la place des ostéopathes dans le parcours de soins. L’IGAS estime que la professionnalisation du métier d’ostéopathe doit s’accompagner d’une surveillance scientifique et de la production de recherches, faute de quoi aucune recommandation ni évolution technique ne peut être envisagée.

De plus, l’IGAS souhaite que l’ostéopathie s’inscrive dans une approche de pratique basée sur des preuves scientifiques (Evidence-Based Practice).

Ainsi, l’IGAS propose la création d’une commission nationale chargée de décrire et d’évaluer les pratiques des ostéopathes afin de permettre une meilleure définition de l’ostéopathie et de sa place dans le système de santé. Cette commission serait composée d’au moins :

  • représentant·e·s de la profession;
  • universitaires;
  • représentant·e·s des ordres professionnels;
  • représentant·e·s de la HAS.

Il convient de noter que L’IGAS ne précise pas les modalités de financements de cette commission ni ne propose de système de financement de la recherche en ostéopathie.

Il est de ce fait primordial que l’exercice de ces professionnel·le·s puisse faire l’objet de travaux de recherches scientifiques visant à mieux connaitre et évaluer la pratique.

« Un transfert de la responsabilité du ministère de la santé vers une structure inspirée du modèle anglais »

L’état anglais a créé en 1993, à la suite de l’Osteopaths Act, le General Osteopathic Council (GOsC) chargé de développer et de réglementer l’ostéopathie dans le but d’assurer la protection du public.

Dans le modèle anglais, le GOsC est un organisme dirigé par un conseil composé de 5 ostéopathes et de 5 non ostéopathes, et il dispose d’un·e directeur·e général·e chargé·e de la gestion. Tous les ostéopathes doivent être inscrit·e·s au GOsC pour pouvoir exercer. Par conséquent, le GOsC dispose d’un registre fiable des professionnel·le·s exerçant en Angleterre.

Le président actuel du GOsC est un médecin. Le conseil du GOsC agit par l’intermédiaire de commissions statutaires, telles que:

  • Le comité des politiques et de l’éducation, chargé de contribuer à l’élaboration des normes de pratique ostéopathique et de veiller à ce que seules les personnes dûment qualifiées puissent s’inscrire auprès du GOsC.
  • Le comité d’enquête, qui examine les plaintes pouvant être déposées contre un·e ostéopathe agréé·e et, s’il estime qu’il y a lieu de donner suite, les transmet au Bureau de déontologie ou de santé.
  • Le comité de conduite professionnelle, qui enquête et examine les plaintes qui lui sont soumises par le comité d’enquête à l’encontre d’un·e ostéopathe. Ces plaintes peuvent concerner une “conduite professionnelle inacceptable”, une “incompétence professionnelle” ou une “culpabilité d’une infraction pénale pouvant avoir des conséquences sur son aptitude à pratiquer l’ostéopathie”.
  • Le comité de santé, qui examine les plaintes soumises par la commission d’enquête concernant la capacité d’un ostéopathe à exercer en cas d’altération de son état physique ou mental.
  • Le comité d’appel des inscriptions, qui entend les appels formulés par les ostéopathes à qui l’inscription a été refusée ou retirée.

Selon l’IGAS, la création d’une structure disposant d’une délégation de service public en France permettrait de centraliser la gestion à la fois de la formation et de l’exercice de l’ostéopathie, et de soulager le ministre de la santé de la responsabilité de l’agrément des écoles.

L’IGAS propose que cette autorité soit ainsi chargée de:

  • La validation de la formation initiale, comprenant l’agrément, le contrôle des écoles et la délivrance des diplômes via un examen national.
  • La supervision de la formation continue.
  • L’inscription des ostéopathes et la tenue d’un registre, rendant cette inscription obligatoire pour avoir le droit d’utiliser le titre.
  • L’élaboration de règles déontologiques et leur application par les professionnel·le·s, y compris la réception et l’instruction des plaintes contre les ostéopathes, ainsi que la possibilité de prononcer des sanctions et des radiations.
  • La tenue d’un registre des complications et des effets secondaires.
  • Le développement de la recherche en ostéopathie.

Dans un tel scénario, plusieurs mesures législatives seraient adoptées, notamment la modification de l’article 75 de la loi de 2002.

Cela implique qu’une proposition de loi soit soumise à l’Assemblée Nationale ou au Sénat, qu’elle soit votée par les deux chambres après un processus de navette parlementaire, puis ratifiée par le président de la République.

Ensuite, si cette autorité était créée, plusieurs modifications réglementaires par décret devraient être effectuées, notamment un transfert de compétence de la CCNA vers cet organisme et un transfert de compétence du ministère de la Santé en matière d’agrément.

Cette proposition représente donc une modification profonde de la gouvernance de la profession avec un impact législatif important. Pour concrétiser cette proposition, il sera nécessaire de convaincre le gouvernement, l’Assemblée Nationale et le Sénat afin que cette autorité voie le jour selon les modalités proposées par l’IGAS.

Il est important de noter que l’IGAS ne propose pas la création d’un ordre des ostéopathes, mais plutôt d’un organe administratif indépendant. La création de cet organe soulève donc la question de la gouvernance de cette autorité.

En effet, les ordres professionnels sont des organismes qui fonctionnent avec des conseils départementaux, régionaux, puis nationaux. Dans la plupart des cas, les deux premiers conseils sont élus par un vote direct des professionnel·le·s, tandis que les seconds sont élus par un vote indirect des professionnel·le·s via des élections professionnelles.

En d’autres termes, dans un ordre professionnel, les dirigeant·e·s sont des professionnel·le·s élu·e·s par leurs pairs. De plus, les ordres sont financés par les cotisations de leurs membres, qui sont souvent obligatoires.

Les autorités administratives fonctionnent différemment, les conseils étant généralement nommés par le ministre sur proposition et selon un quorum défini par décret. Le financement d’une autorité administrative fait souvent l’objet d’une dotation publique.

La création de cette autorité ouvre donc la porte à une discussion sur sa gouvernance et son financement.

Il convient de noter que l’article 40 de la Constitution limite le pouvoir d’initiative des parlementaires en matière financière. Il interdit toute création ou aggravation d’une charge publique et n’autorise la diminution d’une ressource publique que si elle est compensée par l’augmentation d’une autre ressource.

« Les dispositions dans le code de la santé publique pourraient être complétées afin d’y intégrer les ostéopathes »

En 2002, le législateur a fait le choix de ne pas attribuer un statut de professionnels de santé aux ostéopathes et aux chiropracteurs. De ce fait, ils ne sont pas soumis aux règles applicables aux professionnels de santé et aux écoles de formation. Cette absence de reconnaissance a obligé le législateur à proposer un cadre spécifique in fine moins exigeant pour les écoles de formation en ostéopathie et en chiropraxie, qui ne délivrent que des diplômes d’école, et moins contraignant pour les professionnels.

Dans son rapport, l’IGAS constate que les ostéopathes suivent un cursus spécifique et qu’un titre est ouvert à l’usage des non-professionnel·le·s de santé.

Cependant, la Loi Kouchner ne reconnaît pas les professionnel·le·s pratiquant exclusivement l’ostéopathie comme des professionnel·le·s de santé réglementé·e·s dans le code de la santé publique.

Cette situation crée une dichotomie au sein de la profession, entre les ostéopathes exerçant en tant que praticiens mixtes, tel·le·s que les masseurs-kinésithérapeutes-ostéopathes et les médecins-ostéopathes, et les ostéopathes exclusivement formés à l’ostéopathie.

Cette différence entraîne des contraintes réglementaires différentes en fonction des situations professionnelles et nécessite une réglementation spécifique pour les ostéopathes.

La reconnaissance des ostéopathes exclusivement formés en tant que professionnel·le·s de santé permettrait une meilleure lisibilité pour les patient·e·s, une harmonisation des contraintes légales pour l’ensemble des ostéopathes, et une réduction des spécificités réglementaires pour les ostéopathes.

En effet, l’ajout des ostéopathes dans le code de la santé publique impliquerait de facto que les ostéopathes soient soumis à l’ensemble des dispositions relatives à ce code.

L’IGAS prend l’exemple d’une profession nouvellement ajoutée au code de la santé publique dans son rapport, celui des “assistants dentaires” en 2016, ajouté au chapitre III bis du titre IX140 du livre III.

L’IGAS souligne que l’introduction d’une profession dans le code de la santé publique n’entraîne pas la perte de l’accès direct ni ne conduit à la convention avec l’assurance maladie, évitant ainsi un débat sur le financement des soins.

Cependant, cette modification de la loi nécessite une proposition au parlement, un vote après une procédure de navette parlementaire et la ratification par le président.

Cette disposition apparaît plus simple que les deux précédentes car elle n’entraîne pas d’augmentation des dépenses publiques.

L’IGAS ajoute un argument en faveur de l’introduction des ostéopathes dans le code de la santé publique en indiquant que depuis 2009, les écoles d’ostéopathie font partie du titre VIII du livre III du code de la santé publique.

L’IGAS propose que l’article 75 de la loi Kouchner soit transposé dans le livre III de la quatrième partie du code de la santé publique.

Cela impliquerait que les ostéopathes soient reconnu·e·s comme des professionnel·le·s de santé appartenant aux auxiliaires médicaux.

De plus, l’IGAS suggère que cette transposition dans le code de la santé publique soit accompagnée d’un adossement à l’université pour garantir la qualité de la formation ainsi qu’un investissement humain et financier dans la recherche.

La situation créée par la loi de 2002 n’est plus tenable en l’état, au vu d’une démographie incontrôlable, de l’absence d’estimation des besoins de santé, d’exigences de formation insuffisamment vérifiées et contrôlées et d’une paupérisation des nouveaux diplômés en ostéopathie (…) L’intégration de ces professionnels dans le code de santé publique, selon les dispositions décrites, présenterait l’avantage de garantir la qualité de la formation en facilitant son adossement à l’université. Elle légitimerait en outre les interventions des opérateurs publics.

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